Force de dissuasion

Pour une politique de puissance

Le constat

La préférence pour le présent et l'insouciance sont les symptômes des pays en paix. Or la réalisation d'un outil de défense digne de ce nom, qui préserve vraiment la sécurité, ne se fait pas en un jour, c'est le résultat d'une action persistante. Les crédits de la défense nationale étaient de 5,4% du PIB en 1960, 3% en 1982 et 1,14% en 2015. Nous nous sommes endormis dans la paix depuis 1945 et avons oublié la guerre en pensant qu'elle était d'un autre âge. Erreur fatale : les attentats terroristes depuis 2015, les tensions à l'est de l'Ukraine, la guerre en Syrie, les vélléités de la Chine, nous ont rappelé que l'histoire n'a pas de fin. Il n'existe pas d'exemple où des nations prospères, vieillies et endormies sur elles-mêmes, ayant baissé la garde, n'ont pas dû subir un affrontement prélude à une invasion massive. Il nous faut donc préparer de nouveau la guerre en redonnant les moyens nécessaires aux forces armées qui sont notre seule assurance-paix.

Les propositions

1 ) Reconstituer l'outil de défense conventionnelle

La dissuasion nucléaire n'est pas dissociable de l'armée conventionnelle. On ne peut pas imaginer "dormir" à l'ombre de la force stratégique et se "réveiller" d'un seul coup en envoyant illico le feu nucléaire. La doctrine du "tout ou rien" est suicidaire. Pour être crédible et justement dissuasive, la force nucléaire a besoin en amont d'un arsenal classique suffisamment puissant pour montrer à l'adversaire qu'on est prêt à aller jusqu'au bout en exerçant une "riposte graduée". De même le renseignement est capital pour évaluer la détermination d'un ennemi avant de commettre l'irréparable et cela demande aussi des moyens importants. Gouverner, c'est choisir. Or notre défense conventionnelle est sinistrée, nous manquons d'hélicoptères, de missiles, d'avions de transport et de reconnaissance.

Proposition :porter en 5 ans le budget Défense à 3% du PIB, non pas comme un droit acquis à dépenser, mais pour financer l'exécution d'un programme précis de réarmement.

2 ) Faire de notre industrie de défense un pôle européen

L'"intervention spéciale" en Ukraine a remis dans l'actualité la guerre de territoire de haute intensité que nous n'avions pas connu depuis 1945 en Europe. Il est apparu clairement que notre dispositif de défense conventionnel était très insuffisant à ce titre, tant en matériels qu'en munitions : nous ne pourrions défendre qu'une ligne de 80 kms pendant quelques jours à peine ! Mais nous ne sommes pas directement menacés à nos frontières, le front s'étant déplacé de 1000 kms à l'est depuis la chute de l'URSS.

C'est donc dans le cadre d'une coalition européenne que nous aurions à participer à ce type de conflit. Dans ce continent désarmé, qui a oublié la guerre, la France reste le seul pays, après le Brexit, à conserver une industrie de défense substancielle qu'il faut continuer à développer car elle reste insuffisante. Mais cette industrie est menacée par la diminution constante des budgets miltaires, car c'est grâce à la commande publique qu'elle peut exister. Par ailleurs, ce type d'industrie, qui fait appel à des technologies très avancées (électronique, matériaux, optronique...), a des retombées aussi dans la sphère industrielle civile. Elle confère de ce fait un avantage comparatif global au pays qui la détient.

C'est seulement si nous avons su préserver un outil militaire en excellent état que nous pourrons envisager de le mettre à disposition des autres pays européens, mais à nos conditions.

Proposition : dans l'optique de rapatriement et de partage des industries stratégiques en Europe, que la France soit le pays producteur d'armements conventionnels pour les autres pays en proposant une clause de préférence européenne : il n'est pas normal (et même dangereux) que les autres pays européens se fournissent systématiquement ailleurs (USA notamment) quand l'équivalent existe en France, en dehors des aspects nucléaires.

3 ) Un débat collectif et public

Aujourd'hui les grands chefs militaires sont réduits au silence. Dès qu'ils manifestent une réserve, un doute, une interrogation, ils sont remerciés, sanctionnés, comme on l'a vu avec le général de Villiers, et plus récemment la tribune des généraux. Seul le président de la République a le droit de concevoir et d'exprimer la pensée stratégique de la France. Cette exclusive n'est plus tolérable. D'abord pour des raisons démocratiques, car chaque français est concerné par cette question de nature existentielle, mais surtout pour des raisons d'efficacité.

Les chefs militaires français sont d'une qualité exceptionnelle et ils doivent pouvoir alimenter le débat public sur les armées, leurs moyens, leurs objectifs, la nature des menaces. Ils doivent pouvoir le faire en toute indépendance devant le parlement et l'opinion publique, comme cela se fait dans les autres pays, notamment la Grande-Bretagne. En effet la défense est par nature quelque chose de mouvant, qui n'est jamais figé, car, comme aux échecs, l'adversaire veut toujours disposer d'un coup d'avance. Il faut donc en permanence s'adapter.

Proposition : mettre cette discussion sur la table dans la cadre d'une conférence nationale.